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Ce que les nationalistes pourraient apprendre du Québec Qui est prêt à revendiquer le patriotisme ?

Pro-independence Quebecker made-up in fleur-de-lis flag motif leading crowd feting St. Jean-Baptiste Day & demise of Meech Lake accord. (Photo by Steve Liss/Getty Images)

Pro-independence Quebecker made-up in fleur-de-lis flag motif leading crowd feting St. Jean-Baptiste Day & demise of Meech Lake accord. (Photo by Steve Liss/Getty Images)


juin 24, 2024   6 mins

Des semaines avant le début de la campagne électorale actuelle, Keir Starmer a surpris tout le monde en appelant les candidats travaillistes à ‘hisser le drapeau’ le jour de la Saint-Georges, dans une tentative de déloger les conservateurs en tant que parti du patriotisme. Mais en vérité, le patriotisme britannique n’est plus la force puissante qu’il était autrefois. Malgré toute la vision et l’ambition avec lesquelles les mouvements du Brexit et de l’indépendance écossaise se sont annoncés, ces réveils nationaux sont en perte de vitesse. 

Le 4 juillet, les nationalistes écossais risquent de subir une défaite cuisante, s’étant liés à un courant militant de libéralisme social minoritaire qui mine les bases collectives et civiques du nationalisme classique, tel qu’il a historiquement existé à gauche. Pendant ce temps, le projet national des partisans du Brexit, ancré à droite, n’a pas répondu à ses propres attentes élevées : ses architectes au sein du Parti conservateur (qui s’apprête à faire encore pire que le SNP) se sont révélés incapables de tenir leur promesse d’une Grande-Bretagne à l’abri des ravages de la mondialisation économique et culturelle. 

En bref, les Britanniques semblent incapables de ‘s’adonner’ au nationalisme avec succès ou conviction, c’est-à-dire de le mettre en pratique au-delà de ses seuls aspects performatifs. Alors, à l’approche du jour des élections, dans quel mesure l’establishment politique britannique peut-il chercher à former un système national cohérent ?

Il existe un endroit qui peut inspirer quiconque aspire à un nationalisme fonctionnel, en Grande-Bretagne ou ailleurs : un coin oublié de son ancien empire, où les habitants parviennent à se maintenir en tant que nation et État, même si le pays n’est pas réellement un État comme l’est la Westphalie. Je parle du Québec, une province canadienne qui est aussi une nation en soi et qui a sa propre histoire mouvementée en terme de référendums. Aujourd’hui, c’est la Fête nationale du Québec : la Saint-Jean-Baptiste. Et quelle meilleure occasion pour examiner la trajectoire du nationalisme là-bas ?

Le fait animant la politique et l’histoire du Québec est celui de la survie, le désir de son peuple de survivre en tant que société distincte de francophones au milieu d’un continent majoritairement anglophone. Bien que l’identité du Québec soit enracinée dans la langue française et descende d’un héritage qui remonte à la Nouvelle-France, le nationalisme moderne du Québec a été forgé dans les années 50 et 60, à une époque de changements sociaux immenses connue sous le nom de Révolution tranquille. Elle a vu le régime conservateur et pro-clérical de Maurice Duplessis remplacé par le gouvernement réformateur de Jean Lesage, qui a nationalisé les services publics et pris en charge l’éducation et les services sociaux de l’Église catholique ; ces mesures ont établi l’incarnation contemporaine moderne de l’État québécois, considéré par son peuple comme l’expression institutionnelle suprême de la nation québécoise.

Dans les années 70, des désirs sont nés à la fois parmi l’élite politique et intellectuelle et la population en général de rendre cet État du Québec souverain : leur leader était le journaliste devenu ministre du cabinet Lesage, René Lévesque, qui a mis en œuvre le programme de nationalisation des services publics. Son Parti Québécois (PQ) allait mener la poussée pour l’indépendance du Canada avec le référendum de 1980 ; bien qu’il ait été rejeté par une marge de 60-40, le gouvernement de Lévesque a largement façonné le caractère du nationalisme québécois pour les décennies à venir : de gauche, pro-syndicaliste, laïque, féministe, écologiste et aligné sur les courants anti-coloniaux mondiaux. C’est également sous Lévesque que le Québec a adopté une législation pour consacrer le français comme langue officielle, cimentant le rôle de l’État québécois en tant que défenseur du caractère national.

La Révolution Tranquille, cependant, a également engendré une tradition divergente et opposée : le fédéralisme, qui peut être compris formellement comme une acceptation du maintien de l’adhésion à la fédération canadienne. Mais au Québec, il a aussi des fondements philosophiques plus profonds : une sorte de libéralisme individualiste émancipateur radical développé dans les pages du journal dissident de l’époque Duplessis, Cité Libre. Son grand champion était Pierre Trudeau, qui en tant que Premier ministre du Canada a prévalu lors du référendum de 1980, mais dont les actions ultérieures ont semé les graines du deuxième référendum à couteaux tirés de 1995, lorsque le Québec aurait pu se séparer s’il n’y avait pas eu une marge de 54 288 voix (1,16 %) en faveur du ‘Non’.

Pendant 40 ans, la politique québécoise a été un combat entre les deux pôles, nationaliste-souverainiste et fédéraliste, avec des compromis ‘doux’ ou semi-nationalistes gagnant parfois du terrain. Cependant, dans les années 2010, quelque chose de différent s’est produit, une dépolarisation du vieux débat sur la souveraineté et l’émergence d’une nouvelle alternative : fermement nationaliste mais agnostique ou neutre sur l’indépendance. Une telle position signifiait que la Coalition Avenir Québec (CAQ) pouvait attirer à la fois des nationalistes modérés et des souverainistes, représentant une majorité de l’électorat francophone. En effet, c’était la formule que son fondateur et leader François Legault a utilisée pour remporter les élections de 2018 et 2022.

La CAQ s’est engagée à laisser derrière elle la quête de l’indépendance, la traitant comme une affaire réglée (Legault était un ancien ministre du PQ). Mais elle n’a jamais hésité à brandir ses références nationalistes de différentes manières, notamment ses agendas agressifs sur la langue, la culture et la migration : ceux-ci peuvent être discernés dans une multitude de nouvelles réglementations élargissant les exigences en matière de langue française pour les entreprises, les immigrants et les universités anglaises, en plus d’augmenter les frais de scolarité de ces dernières. Legault s’est également régulièrement opposé au gouvernement fédéral de Justin Trudeau, le pressant d’agir de manière plus décisive pour arrêter le flux de réfugiés qui traverse les frontières du Québec, ainsi que de proposer un référendum — non sur l’indépendance — mais sur le renforcement des pouvoirs en matière d’immigration.

Ce qui est significatif d’un point de vue historique est ce que représente la CAQ : la réémergence du nationalisme de droite comme une force dominante. En effet, les implications intellectuelles de cette tendance ne sont que maintenant élaborées par une nouvelle génération de penseurs, menée par des personnalités telles qu’Étienne-Alexandre Beauregard, 23 ans, rédacteur des discours de Legault, qui a publié un traité nommé Le Retour des Bleus tentant de raviver la tendance conservatrice ou bleu du nationalisme québécois ; cela impliquerait une réhabilitation de figures telles que Duplessis, dont l’héritage reste anathème au mouvement largement progressiste souverainiste.

Tout aussi intéressante est la résurgence récente du PQ en tant que principal parti d’opposition à la CAQ de Legault. Après avoir été considéré comme un artefact de l’ère des boomers en voie de disparition, le parti souverainiste a progressé dans les sondages sous la direction énergique du jeune leader Paul St-Pierre Plamondon, qui menacé d’organiser un troisième référendum sur l’indépendance. Cependant, le soutien ferme au PQ ne s’est pas réellement traduit par un soutien à l’idée de souveraineté, suggérant que cette montée en puissance du PQ a plus à voir avec l’expression du mécontentement envers Legault qu’avec les Québécois souhaitant revisiter la question.

Tout cela signifie que la politique québécoise semble désormais être un concours entre deux nationalismes vigoureux mais antagonistes ; un fait souligné par le déclin des libéraux fédéralistes du Québec. Bien que la tension soit réelle, ces deux variantes de nationalisme sont néanmoins unies à la fois dans leur reconnaissance de la nation québécoise en tant qu’entité civique-collective, comme le montre leur résistance commune au libéralisme social minoritaire qui s’est installé dans le reste du Canada ; et dans leur volonté partagée de déployer les pouvoirs de l’État québécois en tant que moyen de sauvegarder cette nation (en laissant de côté la question de savoir si cet État devrait être souverain), comme le montrent les politiques activistes des partis nationalistes, de gauche et de droite. Par conséquent, par exemple, le régime linguistique du Québec peut sembler absurde voire vindicatif aux étrangers et aux non-francophones, mais il commence à avoir un peu plus de sens lorsqu’on le considère comme faisant partie d’un projet historique plus vaste : celui d’assurer la survie nationale.

‘La politique québécoise semble désormais être un concours entre deux nationalismes vigoureux mais antagonistes.’

Outre ces différences linguistiques et culturelles, nous pouvons déduire le principe opérationnel pour ceux — en Grande-Bretagne, en Amérique ou au Canada anglophone ou ailleurs — qui se retrouvent attirés par la persuasion nationaliste après des années d’hyper-globalisation : l’État-nation n’a de sens que si ses deux termes constitutifs sont pris au sérieux.

Pour ceux de gauche, la reconquête de la nation nécessite de promouvoir des liens unificateurs et des symboles de la nation au-dessus de la politique identitaire subalterne qui est devenue à la mode dans tout l’Occident, car la nation est finalement ce qui légitime l’État. Pour la droite, en revanche, un nationalisme constructif à l’ère post-Brexit devra reposer sur la restauration de l’État et de sa capacité à agir en défense de la nation, surtout en ce qui concerne les frontières et la reconstruction de l’industrie. Cela impliquera un rejet de cette combinaison odieuse et depuis longtemps discréditée de libéralisme économique et de brandissement de drapeau qui a été la norme de la droite anglo-saxonne depuis des décennies.

Car comme de nombreux Québécois peuvent en témoigner, sans un État puissant pour agir en votre nom dans un monde hostile, toute nation, aussi historiquement grande soit-elle, est susceptible d’être réduite, selon l’expression de David Starkey, à un ‘petit pays faible.’


Michael Cuenco is a writer on policy and politics. He is Associate Editor at American Affairs.
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