Des semaines avant le début de la campagne électorale actuelle, Keir Starmer a surpris tout le monde en appelant les candidats travaillistes à ‘hisser le drapeau’ le jour de la Saint-Georges, dans une tentative de déloger les conservateurs en tant que parti du patriotisme. Mais en vérité, le patriotisme britannique n’est plus la force puissante qu’il était autrefois. Malgré toute la vision et l’ambition avec lesquelles les mouvements du Brexit et de l’indépendance écossaise se sont annoncés, ces réveils nationaux sont en perte de vitesse.
Le 4 juillet, les nationalistes écossais risquent de subir une défaite cuisante, s’étant liés à un courant militant de libéralisme social minoritaire qui mine les bases collectives et civiques du nationalisme classique, tel qu’il a historiquement existé à gauche. Pendant ce temps, le projet national des partisans du Brexit, ancré à droite, n’a pas répondu à ses propres attentes élevées : ses architectes au sein du Parti conservateur (qui s’apprête à faire encore pire que le SNP) se sont révélés incapables de tenir leur promesse d’une Grande-Bretagne à l’abri des ravages de la mondialisation économique et culturelle.
En bref, les Britanniques semblent incapables de ‘s’adonner’ au nationalisme avec succès ou conviction, c’est-à-dire de le mettre en pratique au-delà de ses seuls aspects performatifs. Alors, à l’approche du jour des élections, dans quel mesure l’establishment politique britannique peut-il chercher à former un système national cohérent ?
Il existe un endroit qui peut inspirer quiconque aspire à un nationalisme fonctionnel, en Grande-Bretagne ou ailleurs : un coin oublié de son ancien empire, où les habitants parviennent à se maintenir en tant que nation et État, même si le pays n’est pas réellement un État comme l’est la Westphalie. Je parle du Québec, une province canadienne qui est aussi une nation en soi et qui a sa propre histoire mouvementée en terme de référendums. Aujourd’hui, c’est la Fête nationale du Québec : la Saint-Jean-Baptiste. Et quelle meilleure occasion pour examiner la trajectoire du nationalisme là-bas ?
Le fait animant la politique et l’histoire du Québec est celui de la survie, le désir de son peuple de survivre en tant que société distincte de francophones au milieu d’un continent majoritairement anglophone. Bien que l’identité du Québec soit enracinée dans la langue française et descende d’un héritage qui remonte à la Nouvelle-France, le nationalisme moderne du Québec a été forgé dans les années 50 et 60, à une époque de changements sociaux immenses connue sous le nom de Révolution tranquille. Elle a vu le régime conservateur et pro-clérical de Maurice Duplessis remplacé par le gouvernement réformateur de Jean Lesage, qui a nationalisé les services publics et pris en charge l’éducation et les services sociaux de l’Église catholique ; ces mesures ont établi l’incarnation contemporaine moderne de l’État québécois, considéré par son peuple comme l’expression institutionnelle suprême de la nation québécoise.
Dans les années 70, des désirs sont nés à la fois parmi l’élite politique et intellectuelle et la population en général de rendre cet État du Québec souverain : leur leader était le journaliste devenu ministre du cabinet Lesage, René Lévesque, qui a mis en œuvre le programme de nationalisation des services publics. Son Parti Québécois (PQ) allait mener la poussée pour l’indépendance du Canada avec le référendum de 1980 ; bien qu’il ait été rejeté par une marge de 60-40, le gouvernement de Lévesque a largement façonné le caractère du nationalisme québécois pour les décennies à venir : de gauche, pro-syndicaliste, laïque, féministe, écologiste et aligné sur les courants anti-coloniaux mondiaux. C’est également sous Lévesque que le Québec a adopté une législation pour consacrer le français comme langue officielle, cimentant le rôle de l’État québécois en tant que défenseur du caractère national.
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