Mais contrairement à 2010, la tendance de cette année a été alimentée par des partis non établis, en particulier les Verts et Reform UK. Les candidats indépendants ne gagneront peut-être pas dans de nombreuses régions, mais ils sont sur le point de remporter un nombre record de voix au niveau national.

Tout cela soulève également des questions quant au mandat du Parti travailliste au gouvernement. Après tout, Keir Starmer pourrait obtenir une majorité de plusieurs centaines tout en remportant vraisemblablement moins de voix que Corbyn il y a sept ans. Un sondage YouGov, plaçant le Parti travailliste à 36 % (à égale distance de leurs performances de 2017 et 2019), a même prévu une majorité de 244 pour le parti — la plus grande jamais obtenue par un seul parti dans l’histoire. La comparaison la plus proche serait avec les Whigs en 1832, immédiatement après le Great Reform Act. Pour information : lors de cette élection, le parti d’Earl Grey a remporté 67 % des voix éligibles.

On peut dire qu’une telle majorité écrasante — plus imposante que tout ce qu’ont réalisé Baldwin, Attlee, Thatcher ou Blair — est simplement le reflet juste d’une marge de victoire étonnante. Westminster, après tout, est souvent un système où ‘le vainqueur rafle tout’, et remporter la victoire par des dizaines de points sur le deuxième candidat donnera lieu à des résultats étranges. Mais encore une fois, ce système a été conçu pour un monde de deux partis et de forte participation — rien de cela n’est susceptible de prévaloir jeudi. Si Starmer se rapproche de ce que prédisent les sondages, il est difficile d’imaginer que sa légitimité ne sera pas discutée (ce qui serait ironique) pendant le reste de cette décennie.

Ensuite, il y a la défense historique du scrutin majoritaire à un tour : c’est un système conçu pour créer des majorités et des mandats — et Starmer se retrouvera alors en mesure de changer le pays de manière décisive. Mais comment des mesures telles que la transformation de la taxe foncière (que je soutiens personnellement) ou la modification de la ‘ceinture verte’ (que je soutiens également) pourraient-elles être acceptées par une grande partie du pays à la suite d’un tel résultat ?

Nous ne pouvons pas le savoir, car cela serait sans précédent. À ce stade, quelque chose d’étrange pourrait se produire : le Parti travailliste pourrait commencer à ménager ses coups précisément parce que sa majorité est si grande. Si l’opposition ne se composait que de conservateurs, cela serait improbable — mais avec Farage et son groupe d’hommes à la Chambre, je n’en serais pas si sûr.

Le faible vote historique pour les grands partis en 2010 et 2015 a changé de cap en 2017 précisément parce que ces deux premières occasions n’ont pas permis d’installer à la Chambre des personnes capables de saisir une disponibilité croissante d’opportunités politiques. Après jeudi, attendez-vous à ce que quelque chose de similaire se produise. Seulement cette fois-ci — lorsque la poussière retombera — il y aura beaucoup plus de partisans de la ‘destruction créatrice’ dans la politique britannique, tant à gauche qu’à droite.