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Pourquoi Starmer est coincé dans la prison de Blair L'utopisme de gauche ne résoudra pas notre problème de justice

Starmer's imprisoned by his budget. (Dan Kitwood/Getty)

Starmer's imprisoned by his budget. (Dan Kitwood/Getty)


juillet 11, 2024   7 mins

Dans son discours inaugural au poste de Premier ministre, Keir Starmer a promis de gouverner de manière sobre, à la hauteur des défis du moment. Il a ancré son discours d’ouverture dans la majorité ordonnée et conservatrice en minuscules de la Grande-Bretagne, promettant des « frontières sécurisées » et des « rues plus sûres ». 

Et pourtant, les camions de déménagement avaient à peine quitté le n° 10 Downing Street que des informations ont filtré selon lesquelles les prisons britanniques seraient pleines, et que le Lord Chancelier, Shabana Mahmood, pourrait être obligé de libérer environ 40 000 criminels avant la moitié de leur peine, pour soulager la surpopulation. L’association de lutte contre la violence domestique Refuge a déjà mis en garde en indiquant que cela signifie que les auteurs de violences domestiques pourraient être libérés après avoir purgé à peine 40 % de leur peine originelle. 

Pour les détracteurs de Starmer, le rapport est la preuve d’un utopisme d’extrême gauche plus large : une idéologie qui souhaite la réduction des effectifs de la police, l’ouverture des frontières et le traitement des toxicomanes avec des drogues gratuites. Ses défenseurs, quant à eux, répliquent que les conservateurs ont créé ce problème. Et il est vrai que les prisons britanniques étaient pleines avant l’arrivée de Starmer au pouvoir ; l’année dernière, on a entendu les juges dire qu’ils n’allaient pas prononcer de peines d’emprisonnement car il n’y avait pas de place pour incarcérer les détenus. Puis, en mai, Sky a signalé que le gouvernement de Sunak avait discrètement introduit d’autres mesures de libération anticipée pour soulager la pression sur les prisons, incluant même des détenus considérés comme « à haut risque ». 

Ensuite, avant les élections, Sunak aurait transformé son inaction en piège pour la nouvelle administration. En mai, il aurait bloqué une demande de libération anticipée de presque 500 délinquants supplémentaires, laissant le problème à Starmer pour qu’il s’en occupe. Dans l’ensemble, les gros titres ressemblent plus à un terrain miné dyu parti conservateur qu’à une preuve irréfutable que Starmer soit laxiste en matière de criminalité. 

Mais même s’il ne l’est pas, ses problèmes vont au-delà de la seule capacité des prisons. Un coup d’œil à la loi et à l’ordre en Grande-Bretagne depuis le dernier gouvernement travailliste révèle que les conservateurs ont peu fait pour améliorer l’approche de Blair, et ont beaucoup contribué à aggraver les choses. Et aussi que la politique du New Labour en matière d’ordre public avait ses propres racines dans une tendance à long terme de baisse de la confiance sociale et de croissance du pluralisme des valeurs. Alors que le bilan des conservateurs en tant qu’héritiers de cette approche laisse beaucoup à désirer, Starmer aura du mal à faire mieux : il a des cartes bien plus difficiles à jouer que Blair. 

En tant que dernier dirigeant travailliste à avoir obtenu une victoire écrasante, Blair a suivi la voie entre les électeurs en devenir, de classe moyenne et libéraux, et sa base plus autoritaire de l’Ancien Labour en mettant stratégiquement l’accent sur l’ordre public grâce à des mesures telles que la loi sur le crime et le désordre de 1998 – même s’il a libéralisé de nombreux autres aspects du pays. Cette loi visait particulièrement les comportements « antisociaux » et introduisait de nouvelles formes de surveillance et de contrôle non privatives de liberté telles que les Asbos [NDT : Anti Social Behaviour Orders]. En plus de la législation, Blair a également boosté le financement de la justice pénale, y compris une augmentation de 21 % en termes réels des dépenses pour la police. Tout cela était conçu pour fonctionner aux côtés d’une augmentation des dépenses en matière de bien-être et de services sociaux. La logique était d’atténuer la pauvreté qui contribue à la criminalité, tout en punissant les contrevenants : « Sévère avec la criminalité, sévère avec les causes de la criminalité ». 

L’ensemble des mesures a-t-il fonctionné ? Cela dépend à qui vous demandez et de comment vous comptez. Comme le rapporte cette etude, en 2005, le gouvernement Blair se vantait d’avoir présidé à une baisse de 30 % de la criminalité ; par opposition, cependant, Michael Howard accusait le Labour la même année d’avoir permis une augmentation de 16 %. Les deux avaient raison — se basant respectivement sur l’Enquête sur la criminalité britannique et les statistiques policières enregistrées. 

Pendant ce temps, même si les statisticiens concurrents se disputaient les données, la Grande-Bretagne sous le New Labour continuait de devenir intentionnellement plus multiculturelle et socialement libérale — un pluralisme contenu à son tour par les infrastructures omniprésentes de surveillance, de régulation sociale et de contrôle para-judiciaire de Blair. Personne ne pouvait vous dire quoi faire, déclarait la norme britannique ‘moderne’ ; mais si vous étiez trop expressif dans votre individualisme, vous auriez pu vous retrouver avec un Asbo, ou un bracelet électronique, ou une multitude de travailleurs sociaux pour vous « soutenir » de manière insistante jusqu’à ce que vous fassiez ce qu’on vous demandait. 

Ces nouvelles structures de contrôle social ont servi de remplacement aux codes moraux partagés qui s’amoindrissaient déjà sous les vents chauds du thatchérisme qui disaient : « La société, ça n’existe pas », lorsque le New Labour a été élu pour la première fois. Et on pourrait soutenir qu’elles ont assez bien fonctionné, permettant la poursuite continue du pluralisme — du moins jusqu’à ce que l’argent vienne à manquer. Ensuite, après le crash financier mondial, nous avons eu l’austérité des conservateurs plus quelques murmures sur ‘la grande société’ : en d’autres termes, le même individualisme libéral à l’échelle de la société que pendant les années Blair, mais maintenant accompagné de coupes dans les services publics, ceux-là mêmes qui avaient maintenu les choses ensemble les dix années passées. La bureaucratisation à la Blair de l’espace public a progressé, par exemple avec l’introduction en 2014 des Ordres de protection des espaces publics — mais désormais ces développements sont arrivés sans le chèque en blanc. En effet, à la fois la police et le Parti travailliste ont accusé les conservateurs de coupes en termes réels, allant jusqu’à 33 %. En effet, le nombre d’agents a diminué d’environ 20 000 entre 2009 et 2016, annulant l’expansion de la main-d’œuvre policière du New Labour. 

En d’autres termes, l’héritage de Blair en matière de régulation sociale étouffante a explosé, mais l’application de la loi s’est de plus en plus fragmentée. L’impression cumulative corrosive est devenue que les cambrioleurs peuvent voler votre maison en toute impunité, et que les voleurs à l’étalage peuvent se servir, mais que les tweets méchants vous feront arrêter

Mais les choses vont-elles s’améliorer sous Starmer ? C’est difficile à dire. Jusqu’à présent, l’approche de Starmer en matière d’ordre public semble rassurante comme sous Blair : Starmer est, par exemple, un critique de longue date de la politique carcérale des conservateurs, il a promis 20 000 nouvelles places de prison, et s’est également engagé à prioriser les comportements antisociaux et à recruter 13 000 agents de police de quartier. Mais le choix de Starmer pour le ministre des prisons laisse entrevoir certains des écueils auxquels il pourrait être confronté. James Timpson est PDG de la chaîne de réparation de chaussures Timpson, qui a mis un point d’honneur à embaucher d’anciens détenus, qui représentent environ 10% de la main-d’œuvre de Timpson. Timpson est également l’ancien président de la Prison Reform Trust, et au sein de ce rôle il a précédemment déclaré que « seulement un tiers » des détenus devraient assurément être en prison. 

Le plaidoyer de Timpson en faveur de la réhabilitation plutôt que de la prison a été repris par Starmer après son élection, lorsqu’il a promis de réduire le nombre de récidives et de déployer un programme de « qui aime bien, châtie bien » axé sur le « futur des jeunes ». Cette proposition, surnommée ‘Sure Start for teenagers , un départ sûr pour les adolescents, promet de réunir les forces de l’ordre, les spécialistes de la santé mentale et les délégués à la jeunesse, afin de lutter contre la criminalité liée aux armes blanches. Par ailleurs, Starmer a promis de créer des « conseils de réparation communautaire et pour les victimes » impliquant les « communautés locales » dans la dispensation de la justice pour les infractions de faible niveau. 

Tout cela suggère que Starmer — ou peut-être le parti derrière lui — place une grande confiance dans le pouvoir des mesures non carcérales pour traiter les comportements répréhensibles. Et cela implique à son tour une confiance considérable envers son gouvernement pour être capable de déployer suffisamment d’infrastructures sociales nécessaires pour que de telles mesures fonctionnent. Nous devrons donc espérer que le Labour pourra rassembler suffisamment de monnaie sonnante et trébuchante pour tout payer. Avec le financement de l’après-1997 en plein essor, « Sure Start for teenagers » aurait pu être à la fois compatissant et percutant. Au milieu d’une crise fiscale, d’une base fiscale réduite et d’une économie stagnante, cependant, il court un sérieux risque de se retrouver comme une demi-mesure sans effet : juste le mème des « plus de clubs de jeunes » si souvent parodié à droite. 

Ensuite, il y a le pluralisme. L’immigration de masse inaugurée par le New Labour, en partie « pour frotter le museau de la droite dans la diversité », a maintenant donné une société si diverse qu’elle devient ouvertement sectaire dans certains endroits, avec une montée de la politique identitaire blanche comme représailles. En effet, Son Altesse Tony Blair est déjà descendu de l’Olympe ploutocratique pour conseiller à Starmer de freiner l’immigration, afin de ne pas attiser davantage les flammes du « populisme ». 

‘L’héritage de Blair en matière de réglementation sociale étouffante a explosé, mais l’application est devenue de plus en plus irrégulière.’

Dans un mépris insouciant de ces évolutions récentes, les « conseils de réparation communautaire » proposés par Starmer, nous dit-on, réuniront des « leaders communautaires » avec d’autres responsables pour déterminer localement les peines de travaux d’intérêt général. Cela semble chaleureux et décentralisé ; mais la Grande-Bretagne est-elle encore assez cohésive pour déléguer le pouvoir de cette manière ? Peut-être pas ; récemment, la députée travailliste Jess Phillips a été huée lors de son discours électoral par des musulmans pro-Gaza locaux, dans un contexte de harcèlement et d’intimidation si féroces qu’elle n’a même pas osé reconnaître directement ses auteurs, préférant prétendre le blâmer sur le sexisme. Dans le contexte d’une telle fragmentation ethnique et religieuse, tout ce qui renforce davantage les « leaders communautaires » risque d’être une porte ouverte à la capture institutionnelle tribale, et même à une fracturation accélérée de la politique. 

Espérons que rien de tout cela n’arrive. Qui sait ? Peut-être que Starmer trouvera suffisamment d’argent pour financer correctement la police, construire suffisamment de prisons pour garder les délinquants dangereux hors des rues, donner aux « Sure Start pour for teenagers » les ressources dont ils ont besoin, et pour déployer des institutions locales efficaces capables d’imposer et de faire respecter un service communautaire approprié. Peut-être que rien de tout cela ne sera politisé, ou réapproprié par des « communautés » sectaires. Peut-être que tous les agresseurs, les traîne-savates et les voleurs à l’étalage seront soit retirés des rues, soit guéris de leur égarement, et nos rues deviendront vraiment plus sûres. 

J’espère qu’ils le seront. Mais je soupçonne que mettre en place une politique radicalement pluraliste nécessite soit un autoritarisme fort, soit beaucoup d’argent pour un type doux à la Blair. Starmer a derrière lui un parti de gauchistes fraîchement élus et enthousiastes, ce qui rend le premier politiquement difficile. Et il a très peu de marge de manœuvre fiscale pour le second. Dans ce contexte, nous risquons de nous retrouver avec le pire des choix : la même politique séparative et les mêmes financements serrés que sous les Tories, mais cette fois-ci avec un sourire désabusé et une dose de tartuferie progressiste en plus. 

Si c’est le cas, aucune rhétorique noble sur la réhabilitation ne dissimulera la vérité longtemps. Et peu importe si l’étiquette sur la bouteille dit justice sociale millésimée, ou simplement anarchotyrannie pétillante ; le goût amer sera le même. 


Mary Harrington is a contributing editor at UnHerd.

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