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Le cabinet de guerre d’Israël est sciemment voué à l’échec Gaza n'est plus la priorité de Netanyahu

Anti-government protestors in Tel Aviv at the weekend (Amir Levy/Getty Images)

Anti-government protestors in Tel Aviv at the weekend (Amir Levy/Getty Images)


juin 18, 2024   5 mins

Hier, l’inévitable s’est produit. Le cabinet de guerre d’Israël, un regroupement de personnes qui se méprisent largement les unes les autres, s’est finalement effondré ; et avec lui, les derniers vestiges d’espoir d’une résolution rapide du carnage en cours à Gaza. 

La fin est effectivement arrivée la semaine dernière, lorsque Benny Gantz a démissionné et a retiré son alliance de l’Unité nationale du gouvernement d’urgence, exaspéré par le refus de Netanyahu de mettre en place un plan pour l’après-guerre. Il a ensuite été rejoint par Gadi Eisenkot, le plus modéré des cinq membres du cabinet de guerre israélien. Netanyahu, présidant un conseil qui ne pouvait plus prétendre représenter de manière plausible un Knesset unifié, a été contraint de laisser tomber. 

Le problème ici n’est pas difficile à saisir. Gantz et Eisenkot étaient deux des voix les plus modérées de la coalition (et en particulier de la politique israélienne contemporaine). Plus que cela, ils sont, contrairement à Netanyahu, tous deux de véritables hommes de terrain. Ganz est un ancien chef d’état-major général ; Eisenkot est un ancien chef du commandement nord des forces de défense d’Israël, ou Tsahal. Leur démission est une perte à la fois pour la campagne militaire d’Israël et pour sa politique. 

C’était Gantz et Eisenkot qui ont insisté pour qu’un cabinet de guerre soit mis en place avant d’accepter de rejoindre le gouvernement d’urgence de Netanyahu fin 2023. Leur raisonnement était en deux points. Premièrement, le pays devait se rassembler en un moment de crise nationale ; et deuxièmement, ils voulaient, autant que possible, écarter le ministre de la sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et le ministre des finances Bezalel Smotrich, un couple d’extrémistes bavards avec peu de compréhension militaire ou d’intérêt, a part celui d’encourager constamment une approche plus agressive et de rejeter toute concession pour la libération des otages. Au cours des six derniers mois, ces excentriques malveillants ont passé une grande partie de leur temps d’antenne à plaider en faveur du rétablissement des colonies israéliennes à Gaza. 

La désintégration du cabinet est, à certains égards, un microcosme des problèmes auxquels Israël est confronté. Pour commencer, le ridicule système parlementaire de l’État de représentation presque proportionnelle signifie que chaque gouvernement israélien est une coalition. Cela signifie à son tour qu’ils contiennent presque toujours des partis mineurs peuplés de divers cinglés élevés au rang de faiseurs de rois. Cela signifie également que les gouvernements ont tendance à ne pas terminer leur mandat complet. C’est un héritage des débuts socialistes d’Israël ; et c’était peut-être l’erreur la plus flagrante que David Ben Gourion, le fondateur d’Israël, ait jamais commise. Les résultats sont évidents 80 ans plus tard. Netanyahu a désespérément besoin à la fois de Ben-Gvir et de Smotrich pour maintenir sa coalition unie — surtout maintenant. Il n’a pas d’autre choix que de tenir compte de leurs diverses pathologies religieuses et politiques. Sans eux, il est fini. 

Peut-être la deuxième plus grande erreur que Ben Gourion ait jamais commise a été d’exempter les Israéliens juifs orthodoxes du service militaire. Il a fait cela parce qu’à l’époque, il y en avait relativement peu (ils représentaient environ 5% de la population). Ils n’avaient pas à servir ni à payer d’impôts, car ils remplissaient leur devoir en « priant pour l’État ». De toute évidence, Ben Gourion savait que c’était absurde, mais c’était le moyen le plus simple de les garder de son côté. Le problème est le suivant : lorsque vous n’avez pas à payer d’impôts, et que vous obtenez en fait toute une série d’avantages pour ne rien faire essentiellement, vous avez tendance à avoir beaucoup d’enfants (comme le font de toute façon les orthodoxes), surtout lorsque vous obtenez des avantages pour chaque enfant. On s’attend maintenant à ce qu’il y ait deux millions de Haredim d’ici 2033. 

Début juin, alors que la Cour suprême examinait les arguments selon lesquels les exemptions sont illégales, des dizaines de Haredim ont bloqué des routes en signe de protestation. Les tensions autour de cette question ne peuvent être sous-estimées. Dans les années 2000, je me suis rendu en Israël pour participer à un concours de débat alors que j’étais président du débat au Inner Temple [NDT – un des quatre centres de formation des avocats anglais] lors d’une incursion (malavisée et malheureuse) dans le droit. Inner Temple était le champion en titre et, avec mon partenaire de débat Michael (originaire du nord de l’Angleterre, et qui avait vécu en Israël pendant 20 ans), j’ai dû rapporter le trophée surdimensionné. Pour cela, j’ai acheté des sièges avec plus d’espace pour les jambes sur le vol El Al afin que nous puissions y poser en toute sécurité le trophée. Après m’être assoupi un moment, je me suis réveillé pour trouver l’espace occupé par deux Haredim en train de prier. Alors qu’ils se balançaient d’avant en arrière, une expression de dégoût passa sur le visage de Michael. « Dégagez ! » rugit-il. « Michael, tu ne peux pas leur parler comme ça, » chuchotai-je, mort de honte. « Qu’ils aillent se faire foutre — profiteurs, » répliqua-t-il. ‘Et payez vos putain d’impôts !’ hurla-t-il en direction de leurs silhouettes qui s’éloignaient. 

‘Netanyahu est un politicien magistral, mais, plus que cela, c’est un vieil homme désespéré de rester au pouvoir.’

Ces problèmes ont dominé la politique israélienne depuis des décennies. Maintenant, ils menacent de la démanteler. Netanyahu est un politicien habile, mais, surtout, c’est un vieil homme désespéré de rester au pouvoir. Toutes ses compétences politiques sont maintenant consacrées à cela ; gagner la guerre est une priorité secondaire. Il sait que lorsque tout cela sera enfin terminé, l’enquête officielle viendra et, en tant que Premier ministre, il ne pourra pas échapper aux reproches. 

Avec la disparition des voix les plus raisonnables et expérimentées sur le plan militaire, le pronostic quant au bon sens et au pragmatisme du processus décisionnel du gouvernement israélien ne semble pas favorable. Israël est engagé dans une guerre dont l’objectif primordial avoué – l’élimination totale du Hamas – a déjà échoué. Il a récemment réussi à sauver quatre otages lors de l’opération « Seeds of Summer », une opération militaire extraordinaire impliquant ses forces spéciales. Mais l’effet est finalement limité. D’autant plus que, comme me l’a admis un responsable de Tsahal à Tel Aviv, on pense que de nombreux otages sont désormais morts. 

Sans aucune solution militaire probable, il ne reste qu’une solution politique – dans la mesure où une « solution » à tout cela est possible, ce dont je doute fort. Le mieux que l’on puisse espérer est un cessez-le-feu et une sorte de transition gouvernementale pour s’assurer qu’un groupe terroriste comme le Hamas ne puisse plus gouverner Gaza. Le problème est qu’il existe maintenant au centre de la politique israélienne un ensemble d’intérêts qui est moins intéressé par le compromis. Et le pragmatisme et le compromis devront toujours venir d’Israël car, même si le Hamas est celui qui a commencé, Israël est un État démocratique, et le Hamas est un groupe de voyous psychopathes. 

À plusieurs reprises depuis l’attaque du Hamas, je suis revenu aux paroles d’un collègue analyste du Moyen-Orient qui, autour d’une bière dans un bar de Jérusalem, a résumé le conflit israélo-palestinien en une seule phrase pour moi. Ayant l’air plus épuisé qu’autre chose, il a répondu : ‘Je pense que le terme technique pour tout cela est irrémédiablement foutu.’ 


David Patrikarakos is UnHerd‘s foreign correspondent. His latest book is War in 140 characters: how social media is reshaping conflict in the 21st century. (Hachette)

dpatrikarakos

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